A CURATED STORY

Installation vidéo de deux écrans, présentée à l'exposition “Banlieues Chéries” au Musée de l'Histoire de l'Immigration à Paris, d'avril à août 2025. 

Note d'intention (Ecran 2, réalisation : Assia Labbas)

A Curated Story s'inspire du format d'un feed Instagram pour questionner notre consommation de l'information aujourd'hui, et la manière dont les médias peuvent manipuler nos pensées, notamment sur les banlieues. Les réseaux sociaux, là où nous sommes la plupart du temps, où l'on trouve une grande partie des infos, sont les "journaux" d'aujourd'hui. 

En revanche, la hiérarchie et la contextualisation des infos, alors partie intégrante de la mission des journalistes, est inexistante. D'un feed, à une story, à la page Explorer, nous regardons des vidéos de vacances d'amis, des publicités de mode, des interviews de stars, aux images du génocide en cours à Gaza. Nous sommes noyé(e)s dans ce flux d'infos et dans un mix d'émotions. 

L'objectif de cette "curation" a été de sélectionner des vidéos et images afin qu'elles forment, les unes après les autres, un discours, une "story" qui fait sens et ne fait qu'un. En évoquant la construction d'une pensée et le fonctionnement de notre cerveau, cette Story fait un parallèle avec la manière dont les médias peuvent manipuler nos pensées sur la banlieue. Dans notre tête, ou devant les écrans, il ne faut pas être un spectateur passif, ne pas croire à toutes nos pensées, car elles ne reflètent pas toujours la réalité, et ne nous définissent pas. Idem avec les informations venant des médias sur la banlieue: il ne faut pas toutes les croire, elles ne reflètent pas toujours la réalité, et ne définissent pas la banlieue. 

Ce feed est comme une construction d'une croyance à déconstruire. Partant des images négatives sur la banlieue, aux constats sur le travail médiatique et cinématographique (tout aussi dévalorisant), les vidéos se suivent, scrollent vers le haut, pour remonter à l'origine de ce traitement. Car si la banlieue est visée, c'est surtout et avant tout sa population d'origine arabe et africaine, dont les ancêtres vivaient sous la colonisation. 

En rappelant comment vivaient les peuples colonisés, on ne peut pas ignorer la similitude avec le traitement des habitants de banlieues, considérés officieusement comme des sous-citoyens, tels des indigènes. Ce traitement médiatique et politique de la banlieue a des impacts qui ne sont pas sans conséquences (discriminations, racisme, violences policières, meurtres islamophobes...). Ce cercle néfaste est une analogie de cette analyse en neurosciences : les croyances entrainent des pensées qui provoquent des actions.

Cette Story ne veut pas finir avec un cycle négatif. Pour contrer des infos (et pensées) négatives, le remède est de ne pas se focaliser sur ces infos (pensées), mais plutôt construire un contre-discours, avec des médias qui se réapproprient le récit et apportent leur regard authentique de la banlieue. Qu'il s'agisse d'une pensée ou d'une news négative, il faut la questionner, remonter à la source. Si elle est fausse, alors ne pas y croire, ne pas ruminer, ne pas l'alimenter, et la remplacer par une pensée (ou news) positive, juste, vraie, réaliste.

A Curated Story est une oeuvre collaborative, d'après une idée originale d'Assia Labbas, et coréalisée avec Eloïse Monmirel. Deux écrans (stories) ont été réalisées pour cette commande de l’Etablissement public du Palais de la Porte Dorée.


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